
En 1873, Claude Monet peint Impression, soleil levant, une marine de petit format qui allait révolutionner l’histoire de l’art et donner son nom à un mouvement qui allait faire date : l’Impressionnisme.
Sur cette toile, le ciel n’est plus seulement l’un des motifs du tableau, comme chez tant de peintres fascinés par le ciel depuis la Renaissance, mais il devient le sujet à part entière de la peinture.
C’est précisément pour cette raison que nous avons choisi de vous parler de deux chefs d’œuvre – le Coucher de soleil dans les nuages sombres de William Turner, et La Tamise à Westminster de Claude Monet – où le ciel est omniprésent.
Turner ou l’innocence de l’œil
C’est John Ruskin, le célèbre théoricien d’art de l’époque romantique, passionné par l’œuvre de William Turner (1775-1851), qui parle le mieux de la nouvelle vision du monde qu’offraient les tableaux du peintre.
« Au point de vue technique, dit-il, toute la puissance de la peinture repose dans notre capacité à retrouver cet état que l’on pourrait nommer l’innocence de l’œil, c’est une sorte de vision enfantine qui perçoit les taches colorées en tant que telles sans saisir leur signification – tout comme un aveugle les verrait si la vue lui était soudainement rendue ».
De fait, Turner apporte quelque chose de résolument neuf à la peinture de son époque, une liberté jamais entrevue. Avec lui, les contours du dessin s’estompent et les formes de ses paysages sont magnifiées par la lumière.
Coucher de soleil dans les nuages sombres, qu’il peint en 1826, est une magnifique illustration de sa manière. Le contraste entre le rouge du soleil et des parties nuageuses, et les zones sombres – entre noir-vert et vert foncé-bleu – du reste de la toile, est proprement saisissant.
A partir de 1820, Turner réalise de nombreuses études du soleil couchant, l’un de ses sujets de prédilection. D’abord guidé par son motif, le peintre s’est ensuite laissé inspirer par l’effet des couches de couleur transparentes. C’est ainsi que Coucher de soleil dans des nuages sombres, s’il se rapporte à un endroit précis, pourrait en même temps être n’importe où.
Les « effets de brouillard » de Monet
À la fin de l’année 1870, fuyant la guerre franco-prussienne, Claude Monet (1840-1926), qui a trente ans, s’installe à Londres où il va rester plusieurs mois. C’est là qu’il découvre les œuvres de Turner, qui vont le marquer – et l’influencer – durablement. A la suite de Turner, Monet va représenter ce qu’il appelle lui-même « des effets de brouillard » sur la Tamise et la Seine.
Avec La Tamise à Westminster (1871), Monet revient avec son obstination coutumière sur son motif, à savoir : le palais de Westminster qui, à la suite d’un incendie qui l’a détruit en 1834, vient d’être reconstruit dans le style gothique. La digue sur la droite est encore en cours de construction comme en atteste la présence d’ouvriers. L’ombre de la digue se reflète dans le fleuve et crée l’illusion d’une eau en mouvement. La scène semble toute entière figée sous la brume et le brouillard.
Bâtiments et bateaux fantomatiques, ciel vaporeux… cette atmosphère fascine le peintre. De retour à Londres des années plus tard, il peindra à plusieurs reprises le Parlement et le pont de Waterloo en les représentant à différents moments de la journée. Rien ne semble davantage intéresser Monet que de rendre compte de l’évolution de son sujet au fil des heures sous le ciel changeant.