
Depuis la parution de son premier roman, Dans le jardin de l’ogre (Gallimard), en 2014, et plus encore depuis celle de Chanson douce (Gallimard), couronné du prix Goncourt en 2016 et adapté dans la foulée au cinéma avec Karine Viard, l’ascension de Leïla Slimani dans le paysage littéraire hexagonal a été fulgurante. C’est que la jeune auteure franco-marocaine – elle est née en 1981 à Rabat – en plus d’avoir une œuvre déjà prolixe – dix livres ont en effet déjà été publiés à ce jour – s’essaye avec un égal bonheur à tous les genres.
À commencer par le roman, sa forme de prédilection. Si, dans un style précis et sans bavure, Dans le jardin de l’ogre, qui met en scène une femme esclave de ses pulsions sexuelles, et Chanson douce, une nounou meurtrière, ont pu faire l’effet de petites bombes, fustigeant notre époque, Le Pays des autres (Gallimard), paru en 2020, s’inscrit dans une veine romanesque plus classique, privilégiant un traitement plus ample. Ce volume, qui couvre la période 1900 - 1921, est le premier d’une trilogie romanesque directement inspirée de son histoire familiale.
À côté de son travail romanesque, Leila Slimani ne dédaigne pas d’emprunter des chemins de traverse, plus courts et escarpés, à l’image de Sexe et mensonges : la vie sexuelle au Maroc (Les arènes, 2017), un essai sans concession, où, retournant le fer dans la plaie, elle détricote de l’intérieur le système patriarcal marocain. Récemment, la romancière vient de publier le récit passionnant d’une nuit passée dans un musée. C’est le capiteux Parfum des fleurs la nuit (Stock) dont les sortilèges n’en finissent pas de troubler le lecteur.
Les yeux grands ouverts sur le monde
Derrière cet appétit d’écriture, on trouve une seule et même exigence : garder les yeux grands ouverts pour mieux appréhender le monde qui l’entoure. Dans une autre vie, n’était-elle pas pigiste pour le magazine Jeune Afrique ? N’a-t-elle pas écrit des textes pour « Le 1 » d’Éric Fottorino ?
Mieux, elle s’engage, prenant la parole dans Libération peu après la naissance du mouvement #MeToo dans un texte dans lequel elle réclame « le droit de ne pas être importunée » en réponse à la tribune signée notamment par Catherine Deneuve et Catherine Millet. En décembre 2020, la romancière a pris la défense de Loujain al-Hathloul, jeune militante emprisonnée par la justice saoudienne en raison de son engagement pour les droits des femmes, libérée depuis.
En 2017, elle est devenue la représentante personnelle du Président de la République pour la francophonie, afin de siéger au Conseil permanent de l’Organisation internationale de la Francophonie.
La publication de son dernier livre Le Parfum des fleurs la nuit lui donne l’occasion en ce moment de chanter les louanges d’une langue française riche de tous ses métissages. « C’est une langue plastique, qui se créolise, qui vit avec les autres langues. J’adore les expressions que l’on entend aujourd’hui, les jeunes par exemple qui disent Je t’ai mis le seum, un mot qui veut dire poison en arabe. C’est une langue qui s’imprègne de toutes les autres langues, je trouve cela extraordinaire », a-t-elle ainsi récemment déclaré au micro de Patrick Cohen sur Europe 1.
Après une telle déclaration d’amour, qui s’étonnerait d’apprendre qu’elle est la marraine du Dictionnaire des francophones et de la Semaine de la langue française et de la Francophonie ?