Quand la science-fiction change le cours du temps

Elle raconte des mondes nouveaux, change l’Histoire pour modifier le présent, invente des sociétés imaginaires pour mieux parler du monde réel : la science-fiction n’hésite pas elle aussi à jouer avec le temps.

C’est un genre littéraire à part entière apparu pour la première fois dans les années 1850 mais qui s’impose dans les années 1940 aux États-Unis puis dans les années 1950 dans le monde francophone. La science-fiction possède le super-pouvoir de – littéralement – embarquer le lecteur vers d’autres époques, d’autres planètes.

Dans les livres, cela se traduit par des fictions qui racontent des sociétés alternatives et imaginaires : des utopies – appelées dystopies quand elles virent au cauchemar – mais aussi des uchronies qui réécrivent l’Histoire en modifiant le passé. La science-fiction fait enfin la part belle aux progrès sous toutes ses formes, parfois improbables, avec des inventions scientifiques et techniques obtenues dans un futur plus ou moins lointain ou dans un univers parallèle au nôtre. Parmi elles, le voyage dans le temps, largement utilisé chez certains auteurs. Tout d’horizon de trois ouvrages emblématiques.

 

La machine à explorer le temps, récit pionnier

C’est un roman court, de moins de 200 pages, publié en 1895 par H.G. Wells. On y suit un inventeur de génie, créateur d’une machine à explorer le temps pour se déplacer à travers les siècles. C'est ainsi qu'il atteint l'an 802 701, dans lequel les hommes ont été remplacés par les Eloïs qui vivent dans un mode passant pour idéal. Mais cette apparente harmonie est mise à mal par les Morlocks, une espèce cachée, elle, sous la terre…

Une première version avait été écrite en 1888 et était parue dans le Science Schools Journal, dont Wells était l'un des cofondateurs et le rédacteur en chef. Plusieurs épisodes ont été publiés pendant plusieurs mois avant que l’histoire ne s’arrête. Cette première ébauche est aujourd’hui introuvable : l’auteur, soucieux de ne pas révéler d’éventuelles maladresses de jeunesse, a racheté l’ensemble des exemplaires. La version qui s’apparente à celle que l’on connaît aujourd’hui paraîtra en 1894 dans la revue National Observer sous le nom de The Time-Traveller’s Story.

La nuit des temps, retour sur une civilisation perdue

Un signal qui vient de la profondeur des glaces, au beau milieu de l’Antarctique. Il n’en faut pas plus pour alerter l’ensemble de la communauté scientifique, qui part à la source de cet appel. Ils y trouvent un objet ovoïde en or, dans lequel reposent deux corps endormis et congelés d’un homme et d’une femme, Païkan et Eléa.

Celle-ci, tirée de son sommeil, va livrer les secrets de son arrivée dans cet objet. Les scientifiques font ainsi un retour dans le temps de près de 900 000 ans, à Gondawa, au cœur d’une civilisation tropicale bien plus avancée que la leur mais dont la fin est proche. Les Gondas décident donc d’enfermer dans cette œuf deux êtres humains aux capacités physiques et intellectuelles optimales afin d’assurer l’avenir de leur civilisation.

Cette histoire de René Barjavel était, à l’origine destinée… au cinéma. Mais ce scénario, trop coûteux, a été abandonné pour devenir un roman. Ancré dans les années 1960 marquées par la guerre froide et les révoltes sociales (il a été achevé néanmoins peu avant mai 68). La grande histoire d’amour qui traverse les millénaires entre Eléa et Païkan rappelle celle de Tristan et Yseult, unis même dans la mort. Il emprunte aussi au mythe de l’Atlantide, pour évoquer une civilisation avancée mais aujourd’hui perdue.

Grand succès dès sa sortie en 1968 (il s’en est écoulé à ce jour plus de 2,5 millions d’exemplaires), La Nuit des temps a acquis le statut de livre culte qui a ainsi traversé… le temps.

 

Le Maître du Haut Château : quand l’histoire change de trajectoire

Et si l’Allemagne nazie avait finalement, aux côtés de l’Italie fasciste et de l’Empire du Japon, remporté la Seconde Guerre mondiale ? C’est en partant de cette réalité alternative, en tordant le cou au cours du temps que Philip K. Dick tisse la toile de son Maître du Haut Château en 1962. Dans cette uchronie, toute l’Histoire est modifiée : Roosevelt est assassiné en 1933, l’armée allemande remporte la bataille de Stalingrad et les débarquements alliés échouent.

Les États-Unis se retrouvent ainsi sous occupation nippone à l’ouest et allemande à l’est. Dans ce monde alternatif, un autre livre, le Poids de la sauterelle, fait parler de lui et raconte un monde où les Alliés, en 1945, auraient gagné la Seconde Guerre mondiale... Grand classique de la science-fiction, ce roman uchronique obtint l’année suivant sa sortie le Prix Hugo décerné chaque année aux meilleures œuvres de science-fiction et de fantasy. Il a même été adapté en série, en 2015.