
Avec près de 321 millions de francophones, le français est aujourd’hui la cinquième langue mondiale, parlée sur cinq continents, ce qui en fait un acteur de premier plan sur la scène internationale.
Sur le plan de l’imaginaire, le français dispose également d’un atout de premier choix, comme en témoigne le Dictionnaire des francophones, paru en 2021, qui présente notre langue sous un jour inédit, à la fois étonnant, détonnant et foisonnant.
C’est précisément cet imaginaire, celui du vaste espace francophone, que nous avons sollicité pour sonder les expressions forgées autour du mot « temps ». Il en ressort un panorama décapant, où l’humour n’a pas la moindre place et où la pétulance des expressions fait très souvent florès. Pas une minute à perdre, donc, ou, comme le dit le proverbe ivoirien : pas de temps à « gâter ».
En Belgique et au Québec, les expressions et les traditions
Parfois aussi, vous vous ennuyez ? Sachez que les Belges, eux, ont « le temps long » ! Cette expression courante est également parlée dans l'est de la France, comme dans les Ardennes ou la Lorraine. Et si vous avez « le temps long après quelqu’un », c’est que vous vous languissez d’une personne.
Au Québec, les expressions avec le temps font bien souvent référence à des traditions ou des événements qui ponctuent l’année. Le capelan, petit poisson de mer argenté qui s’apparente à l’éperlan, a sa propre expression, « le temps du capelan », qui désigne le temps qui survient à partir du printemps et qui annonce l'arrivée de la morue. Connaissez-vous également « le temps où l’on croyait à la chasse-galerie » ? Il rappelle une époque révolue où les gens faisaient preuve de naïveté et croyaient à des troupes de damnés venus hanter les nuits.
Toujours au Québec, le « temps de glace » est utilisé dans le vocabulaire sportif pour désigner le temps qu’un joueur de hockey passe sur la patinoire durant un match. Dernière tradition bien canadienne, celle des cabanes à sucre ! Pendant quatre à six semaines, de la mi-mars à la fin avril, le « temps des sucres » est celui de la montée de la sève dans les érables à sucre en l'Amérique du nord. Un moment où l’on peut déguster bacon, crêpes ou œufs à l’érable !
Dans les Antilles, de temps en tan
En métropole comme en Martinique, apré lapli, sé botan : après la pluie vient le beau temps, et les mauvaises situations ne durent jamais bien longtemps… tout comme la jeunesse - tété doubout, sé pou an tan (les seins bien debout, c'est pour un temps) – ou l’arrogance puisque lentérésan sé pou an tan (faire son intéressant, c’est pour un temps).
Doucement mais sûrement, tel est l’esprit de l’expression krapon viv lontan : le peureux vit longtemps, fait preuve de réserve et ne prendra aucun risque dans la vie. Et pour dire que l’eau a coulé sous les ponts et que le temps a fait son œuvre : tan fè tan, tan kité tan – soit le temps a fait son temps, le temps a quitté son temps. Mais tini on tan pou chasè, on tan pou jibyé, que l’on peut traduire par « chaque chose en son temps » : en Haïti, pour exprimer ce qui n’arrivera jamais, on dit que lè poul fè dan et en Louisiane, la « cassée du temps » désigne une éclaircie, un changement dans le temps qu'il fait.
En Afrique et dans l’Océan Indien, des références à l’ancien temps
En Côte d’Ivoire, le temps ne se perd pas, il se « gâte » d’après l’expression consacrée. Au Congo et en Centrafrique, préférez « l’emploi de temps » à votre emploi du temps et le « à » remplace le « en » dans « à temps normal » et « à ce temps-là ». Au Gabon, on peut parler de temps cailloux, qui renvoie à un temps de crise, une période de difficultés économiques, tout comme le temps margoze à Maurice. A La Réunion, le temps-longtemps désigne l'ancien temps et on utilise « une fois le temps » pour dire « de temps en temps ». Enfin, plus rarement, la perte de temps peut se traduire par un « perdement » de temps.
Sources : Base de données lexicographiques panfrancophone, Lexilogos, les Revues du Réseau des Observatoires du Français Contemporain en Afrique