Le carbone 14, une révolution dans la datation

Utilisée notamment en archéologie, la datation au carbone 14 permet, grâce à la mesure de la radioactivité, de remonter le temps et d’estimer l’âge de certains objets. Explications.

Nous sommes dans les années 30, sur le campus de l’université de Berkeley, en Californie. C’est dans le Radiation Laboratory que Willard Frank Libby met au point un compteur à grille permettant de mesurer de faibles radioactivités. Cette invention est le prélude de la technique qu'il utilisera en 1949 lors de la première datation par le carbone 14 sur deux échantillons de bois venus de tombes égyptiennes d'environ 4 600 ans. Cette découverte vaudra au scientifique le prix Nobel de physique en 1960. Comment cette méthode fonctionne pour remonter le temps et en quoi a-t-elle révolutionné les domaines de la science ?

 

Qu’est-ce que le 14 du carbone 14 ?

Le carbone (de symbole C) est un élément chimique très répandu sur Terre. C’est cet élément qui, au contact de l’oxygène, s’oxyde pour former du dioxyde de carbone (CO2) présent dans l’atmosphère, les océans, la végétation et assimilé par les organismes vivants.

Le carbone possède seize formes différentes, aussi appelées « isotopes ». Le carbone 14 est l’une d’entre elles. Le numéro 14 indique qu’il est formé 6 protons et 8 neutrons. Les autres isotopes les plus répandus sont le carbone 12 et le carbone 13, deux formes stables du carbone tandis que le carbone 14, est, lui, instable ou radioactif : il se désintègre au fil du temps pour atteindre un état stable.

 

Le fonctionnement de la « décroissance radioactive »

C’est cette désintégration qui est au cœur de la datation par carbone 14. Lorsqu’un organisme meurt, il n’assimile plus de carbone. La quantité de carbone 14 va décroître au fil du temps à un rythme parfaitement régulier : il perd la moitié des atomes de carbone 14 au bout de 5 730 ans. C’est ce qu’on appelle la « période » ou la « demi-vie ». Au bout de deux périodes, il ne reste donc qu’un quart des noyaux radioactifs, un huitième au bout de trois périodes et… un millième après 10 périodes. C’est ce qui explique pourquoi la datation ne peut remonter que jusqu’à 50 000 ans : au-delà, la quantité restante de carbone 14 est trop faible pour être mesurée…

Les chercheurs vont donc prélever un échantillon de l’objet qu’ils veulent dater et estimer « l’âge carbone 14 » grâce aux courbes de calibration. Pour cela, ils calculent le rapport entre la quantité de carbone 14 et celle de carbone 12 – qui reste stable au fil du temps - et comparent ce rapport avec celui d’un échantillon de référence. Cet « âge carbone 14 » est ensuite traduit en âge réel grâce aux courbes de calibration, une courbe de référence qui continue d’être enrichie avec de nouvelles données.

 

Quels vestiges peut-on dater grâce au carbone 14 ?

La datation au carbone 14 sert à estimer l’âge de tous les vestiges contenant du carbone : des os, du charbon de bois, du bois, des restes organiques mais aussi des coquilles marines ou des graines, du pollen, sédiments marins... Il peut servir à dater des tissus des parchemins voire des poteries. À l’inverse, on ne peut pas dater tout ce qui n’a pas été vivant - comme des œuvres d’art ou des roches - ou des fossiles de plus de 50 000 ans.

Le carbone 14 a donc des champs d’application variés. L’archéologie bien sûr, pour retracer l’évolution de l’homme à travers le temps, mais aussi la géologie pour constater la transformation d’un paysage. En sismologie et en volcanologie, la technique peut servir pour déterminer la fréquence d’événements et mieux évaluer les risques potentiels futurs. Plus récemment, le carbone 14 est utile dans les domaines de la climatologie pour dresser une chronologie des événements climatiques passés et dans l’environnement, pour mesurer l’impact des activités humaines ou les changements de la circulation océanique au cours du temps.

 

Des sites et objets majeurs datés grâce au carbone 14

Outil indispensable en archéologie, la datation au carbone 14 a notamment permis d’estimer l’âge de sites préhistorique. La découverte de la grotte de Lascaux, en septembre 1940 en Dordogne, a mis au jour plusieurs salles avec leurs fresques murales. En 1951, des fragments de charbons de bois issus des fouilles du Puits ont été analysés à Chicago pour donner un premier âge autour de 15 500 ans BP (Before Present signifiant « avant le présent », appellation utilisée à la place de « avant Jésus-Christ », ce « présent » étant fixé à l’année 1950). Cet âge a peu à peu évolué au fil de nouvelles datations, entre 1998 et 2002 (18 900-18 600 BP) et entre 2018 et 2020 (21 500-21 000 BP).

La grotte Chauvet-Pont d'Arc, découverte en 1994, est quant à elle deux fois plus vieille d’après les datations obtenues sur des dessins noirs qui ornent les murs. Plus de 200 datations réalisées sur des charbons au sol, dessins, tracés pariétaux et des ossements animaux, ont permis de mettre en lumière deux périodes d’occupations humaines : l’une dans l’intervalle calendaire 37 000- 35 000 ans BP et l’autre dans l’intervalle calendaire 31 700-29 500 ans BP.