
C’est un cliché qui a la dent dure : la mode serait « volatile », ne laissant d’autre empreinte que celle, passagère, de l’instant qui s’évanouit aussi vite qu’il est apparu. Pourtant, si l’on observe avec un peu d’attention le processus qui conduit du dessin au vêtement et à sa mise en place commerciale, on constate très vite qu’il n’en est rien : la mode a beaucoup plus de choses à voir avec le temps qu’il n’y paraît. A commencer par le fameux « air du temps », qui résumerait en une silhouette son époque tout entière…
Les cycles de la mode
L’alternance de cycles, c’est la « signature » de l’univers de la mode, son génie propre : printemps-été, automne-hiver… Si la mode s’est constituée en « saisons » dès le XVIIIe siècle, c’est d’abord pour une raison très pratique : on n’utilise pas les mêmes vêtements par temps chaud que par temps froid. D’où la notion de « saisons », à prendre en l’occurrence… au sens propre.
La situation évolue au XIXe siècle, avec l’émergence de l’industrie textile, qui annonce une démocratisation croissante de la mode. Un mouvement qui culmine, au XXe siècle, avec l’apparition d’un standard qui s’est imposé jusqu’à présent, celui des deux collections annuelles de Haute Couture, auxquelles se sont ajoutées les collections de prêt-à-porter, l’ensemble étant présenté lors des très médiatiques « Semaines de la mode » (Fashion Week, en version originale), qui ont lieu dans quatre capitales de la mode, dont Paris est l’épicentre.
La « fast fashion », qui émerge de façon spectaculaire dans les années 2000, rebat les cartes de la planète mode. Ce mouvement, lancé par des enseignes très grand public, propose des collections fabriquées à l’échelle mondiale et à coût très bas, qui sont renouvelées à un rythme extrêmement rapide. Objectif ? Séduire un nouveau public « cœur de cible », plus jeune et attaché aux dernières tendances.
La « seconde vie » de la mode
Les jeans taille haute façon années 90, les chemises à motifs sixties qui reviennent sur le devant de la scène, des pulls grande taille dans lesquels s’emmitoufler comme lorsque l’on était ado… Même s’il reste encore quelques pièces indémodables, la mode ne semble-t-elle pas être parfois un éternel recommencement ? Pourtant, selon plusieurs études de sociologues, la durée de retour de certains traits stylistiques serait d’environ cent ans y compris sur des caractéristiques morphologiques comme la barbe et la moustache.
Les problématiques de transition écologiques ont donné un nouveau souffle à la « seconde main », secteur en pleine expansion qui permet à un vêtement de retrouver un nouvel usage. D’après l’Institut Français de la Mode, le marché français du vêtement et des accessoires d’occasion pèse aujourd’hui 1 milliard d’euros, en croissance de 10 % par an. Auparavant personnifié par les espaces vente Emmaüs ou les friperies, le secteur a pris le virage du numérique avec des applications qui ont pignon sur rue. Le développement est tel que même les grandes enseignes, voire les marques de luxe, se sont lancées sur ce créneau.
Le patrimoine de la mode
Depuis quelques années, l’univers de la mode, objet de tous les désirs, est solidement ancré dans le paysage culturel. Le véritable plébiscite qu’ont reçu ces dernières années des rétrospectives phares, comme Dior au musée des Arts Décoratifs, Jean Paul Gaultier au Grand Palais ou Chanel au Palais Galliera, en apporte une confirmation éclatante : le vêtement est entré aujourd’hui dans une nouvelle dimension, celle du temps long et de la profondeur historique.
Forts de cette mutation, les musées se sont emparés de la mode, avec des propositions toujours plus séduisantes, alliant collections patrimoniales et interventions plus pointues. Côté patrimoine, on ne saurait manquer les collections textiles exceptionnelles du musée des Arts Décoratifs, à Paris, qui couvrent, à travers 1500 pièces allant du IIe siècle à nos jours, toute l’histoire du vêtement, ou celles du musée de la mode d’Albi, qui présente des pièces rares et historiques. Mention particulière pour le musée du costume de scène, à Moulins, qui mène, sur ce segment très particulier, une politique particulièrement active d’enrichissement des collections et d’expositions.
Côté expositions, on ne manquera pas les propositions toujours originales du Palais Galliera, devenu, depuis 1977, le musée de la mode de la ville de Paris. Dans ce haut lieu de la mode, on peut découvrir la garde-robe d’artistes emblématiques (Frida Kalho, Dalida), revenir sur les figures de l’histoire de la mode (Jeanne Lanvin, Fortuny), se pencher sur la création avant-gardiste (Margiela, Comme des garçons) ou approfondir les relations entre mode et photo (Vogue Paris 1920-2020, Outside Fashion). Un éclectisme haut de gamme. A l’inverse, les fondations dédiées à des créateurs, comme les fondations Christian Dior, à Granville, ou Yves Saint Laurent, à Paris, promettent d’approfondir un thème cher à l’artiste.