« Avec le temps », anatomie d’un succès sur le temps qui passe

C’est l’un des chefs d’œuvre de la chanson française et un titre phare de Léo Ferré. « Avec le temps » s’est très vite imposé comme un standard incontournable à travers le monde. Récit d’un succès inoubliable.

Avec le temps / Avec le temps, va, tout s'en va. Plus de cinquante ans après sa création, cette chanson compte toujours parmi les classiques inusables de la chanson française. Pourtant, ce titre, composé en 1969 par Léo Ferré à l’occasion d’une rupture, relevait davantage à l’origine de la transposition autobiographique que d’une symbolique à portée universelle. Comment cette situation s’est-elle inversée ?

 

Une chanson intime à portée autobiographique

Tout commence en 1968, trois ans avant la sortie de la chanson. Léo Ferré vient de se séparer de Madeleine, sa deuxième épouse. Leur couple, fragilisé par la mort de Pépée, leur guenon apprivoisée, n’a pas réussi à surmonter les épreuves.

Face à cet échec, Léo Ferré revient sur cette histoire dans une chanson qu’il écrit en 1969. Le titre est enregistré en octobre 1970 et devait faire partie du volume 2 de son album, « Amour Anarchie ». Finalement, le titre est écarté pour sortir en 45 tours « à la sauvette » avec L'Adieu, un court poème de Guillaume Apollinaire issu des mêmes séances d'enregistrement. Deux titres crépusculaires…

 

Un succès inattendu à portée universelle

Malgré une sortie discrète, « Avec le temps » va devenir très vite un classique de la chanson française et le plus grand succès de Léo Ferré. Un triomphe qui agaçait le chanteur, qui a déclaré à plusieurs reprises : « Avec le temps, paroles et musique, je l'ai faite en deux heures », et n’hésitait pas à le « massacrer » à l’occasion de ses reprises en concert, comme lors d’un enregistrement mémorable en 1984. Pour autant, le succès est immense – et durable.

Pour preuve, il n’est qu’à observer le nombre d’artistes qui ont proposé une réinterprétation de cette chanson. A commencer par Dalida, dont la rencontre avec Ferré sur un plateau de télévision en Italie sera décisive. L’auteur-compositeur lui propose d’enregistrer sa propre version, ainsi qu’une version italienne – « Col tempo » – en 1972. Dans les années 1980, Johnny Hallyday enregistre lui aussi sa version du titre pour son album À partir de maintenant. Mais cette version reste dans les tiroirs et ne sortira qu’en 2011, à l’occasion d’une compilation. Michel Jonasz et Bashung ont également proposé leur propre version.

 

Un standard durable à portée internationale

Les chanteurs hexagonaux ne sont pas les seuls à s’être emparés de ce grand classique de la chanson française. Le titre, devenu un standard international au même titre qu’« Amsterdam » de Jacques Brel, a été repris dans de nombreuses langues, dont l’italien par Léo Ferré lui-même (après la reprise de Dalida…), mais aussi en langue arabe, signe de son succès planétaire, sous le titre suivant : « Maa'l ayem » par Wafa Ghorbel.

D’autres artistes non francophones ont concrétisé ce succès international, comme la chanteuse de jazz américaine Abbey Lincoln et la Sud-Coréenne Youn Sun Nah, l’Américaine Belinda Carlisle ou encore la Brésilienne Mônica Passos. A chaque version, sous toutes les latitudes, c’est le même envoûtement et le même recueillement. Chapeau, M. Ferré !